Leçon d’humilité à la baie de Ha Long

J’ai célébré mes premiers 1000 kilomètres ainsi que mon premier changement d’huile à la baie de Ha Long. Satisfaite d’avoir complété avec succès la première partie de mon voyage, j’étais maintenant autorisée à prendre un peu de repos. Les six jours de route avaient été fatigants, et mon fessier revendiquait une journée de congé.

De plus, j’étais salle. Mes jeans étaient brunis par la poussière. Mon manteau était taché. Mes doigts et mes ongles étaient noirs à cause de l’huile de ma chaîne qui colle partout. J’étais due pour un hôtel quatre étoiles, une salle de bain fonctionnelle et un service de lavage.

Je me suis donc prise un hôtel dans la partie touristique de la ville. Il était plutôt chic comparé aux hôtels que j’avais fréquentés jusqu’à présent. Et quand le préposé de la réception m’a offert un tour de bateau tout inclus dans la baie de Ha Long, j’ai accepté sans hésiter. Dans les circonstances, un tour organisé ferait très bien l’affaire.

À 8h le lendemain matin, j’embarquais dans l’autobus. Arrivée au port, je me suis retrouvée au milieu de centaines, sinon de milliers de touristes qui s’amassaient sur le quai pour visiter les îles. Les autobus s’auto-tamponnaient dans le stationnement pour faire débarquer leurs clients en premier. Dans cette foule, on ne s’y retrouvait qu’à la couleur du petit drapeau que brandissait notre guide attitré.

Ce jour-là, la cohue de touristes ne me dérangeait guère. Je me suis installée confortablement dans un coin du bateau. La caméra à la main, j’étais prête pour la visite.

Merde. La carte mémoire de ma caméra était restée dans mon ordinateur. J’avais oublié de la remettre ce matin.

« Il ne me reste plus qu’à en profiter », pensais-je.

Au loin, des dizaines de bateaux de touristes pointillaient l’horizon. Tous s’élançaient dans la même direction, cap sur les îles au large de la baie. On aurait dit une scène de bataille navale.

La baie de Ha Long est un archipel constitué de près de 2 000 petites îles qui forment une multitude de pitons rocheux à l’horizon. Il en résulte un paysage grandiose et quelque peu énigmatique lorsque la brume entoure la baie. Ces îles sont aussi mythiques à cause des nombreuses grottes et cavernes qu’on y retrouve, formées sur des dizaines de milliers d’années par les pluies et les rivières souterraines.

En vietnamien, Ha Long signifie la « descente du dragon ». La légende veut qu’un dragon soit venu dans cette région pour domestiquer les courants marins. En se débattant, il aurait entaillé la montagne avec sa queue, laissant derrière des éclats de roche. Ce que l’on voit aujourd’hui seraient donc les plus hauts de ces rochers qui n’auraient pas été submergés après la remontée des eaux.

Je ne me lasse pas de regarder les rochers. Alors que le bateau se promène dans ces îles colossales, un vertige m’envahi. Non pas le type de vertige des hauteurs qu’on ressent quand on regarde vers le bas. Le type de vertige qui nous envahit quand on regarde vers le haut.

Sur les petites routes de montagne dans le nord, il m’arrivait souvent d’avoir un tel vertige. Il y a quelque chose de mystique à être entouré d’une nature grandiose. Celle-ci inspire le recueillement et la contemplation.

C’est que le fait d’être devant l’immensité de la nature nous rappelle que nous sommes petits. Si petits.

Ce vertige des grandeurs est une confrontation momentanée avec l’ego. Devant un paysage grandiose, soudainement, nos repères changent. Notre univers s’élargit. On ressent un déséquilibre car le centre de notre univers doit se recalculer en fonction de cette immensité.

Un élément de toute spiritualité est la conscience de notre petitesse dans cet univers énorme que nous habitons. Devant le tangible ou l’intangible, la spiritualité commande une déférence à ces choses qui sont plus grandes que soi. À cet ordre naturel qui dépasse l’échelle humaine. C’est cela qu’on appelle l’humilité.

La baie de Ha Long m’avait envoûtée. Je voulais découvrir davantage ce que cette nature avait à m’apprendre. En revenant à mon hôtel, j’ai décidé de me rendre à la plus grande des îles de cet archipel, l’île de Cat Ba, qui habrite un village. J’y passerais quelques jours.

La mystique baie dans la brume du matin.

La mystique baie dans la brume du matin.

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Les bateaux de touristes qui s’empressent sur le quai comme des mères qui viennent chercher leurs enfants à la sortie des classes.

2 thoughts on “Leçon d’humilité à la baie de Ha Long

  1. Le village flottant de Cát Bà est un autre cachet du VN. La plage adjacente au bout mérite une baignade si la température te permette.

  2. Hummm! Merveilleuse réflexion. Vraiment inspirante. Elle donne le gout de dépasser notre ordinaire pour sortie de nous-même. Elle décrit très bien mon ressenti face à l’immensité de la création. Le vertige des grandeurs qui confronte notre petitesse. Bien dit. Je t’aime belle amie!

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