L’itinéraire

Après avoir passé quelques heures à explorer les rues de Hanoi sur ma moto, j’ai rebroussé chemin vers mon hôtel.

Vers 15h, je suis allée à la rencontre de mon guide. Nous avons pris place dans un café près de la boutique. Installés à une minuscule table, j’ai ouvert ma carte pour discuter de l’itinéraire.

Trung (“Tchung”) est un jeune mécanicien de 19 ans. Il a étudié la guitare classique mais travaille comme guide depuis environ un an. Son anglais est rudimentaire mais nous parvenons à communiquer l’essentiel. Son sourire et son calme m’inspirent confiance.

Je lui explique mon plan de faire une boucle dans le nord du Vietnam qui se terminerait à la baie de Halong. Après m’avoir écouté attentivement, il trace sur la carte un itinéraire.

Notre première destination sera Sa Pa, un village montagneux près de la frontière chinoise d’où on peut voir le mont Fansipan, le plus haut sommet du Vietnam. Il nous faudra deux jours pour s’y rendre. Nous mettrons ensuite le cap vers l’est en direction du majestueux lac de Ba Bê. Puis, au deux tiers de la route vers la côte, nos chemins se sépareront. Il rentrera à Hanoi alors que je continuerai ma route.

À la lumière de cet itinéraire, je décide d’engager Trung pour cinq jours. Il passera les quatre premiers avec moi; le cinquième lui servira à prendre le chemin du retour.

De retour à la boutique, Anh Vu me demande: “When do you want to leave?” Sans réfléchir, je lui réponds: “Tomorrow.

Pourquoi lui avais-je répondu de la sorte? Je n’en avais aucune idée. Le mot était sorti de ma bouche comme un automatisme.

Cette décision ne faisait aucun sens. J’étais arrivée au Vietnam depuis à peine deux jours. J’étais encore sous les effets du décalage horaire. Je n’avais visité aucun monument à Hanoi. Je n’avais pas non plus l’équipement nécessaire pour faire un voyage à moto dans le climat froid des montagnes du nord. Une décision raisonnable aurait été de prendre quelques jours pour me reposer et me préparer pour ce qui allait être un voyage exigent. Pourtant, une partie de moi voulait plier bagage le plus tôt possible.

Cette décision impulsive était pourtant la bonne. Depuis mon arrivée au Vietnam, j’étais complètement hors de ma zone de comfort. Maintenant sur place, l’idée de faire ce voyage à moto me pétrifiait. Je commençais à penser à tous les risques. Je m’imaginais transie de froid, perdue au milieu de nulle part à la tombée de la nuit. Ou pire encore. La peur contrôlait mes pensées au point où je commençais à douter de la faisabilité de ce projet.

Je connais ce sentiment d’avoir si peur qu’on perd la force d’avancer. C’est d’ailleurs un sentiment qu’on rencontre souvent en escalade. Quand on se retrouve coincé sur la paroi, il ne faut surtout pas s’arrêter. Il faut redoubler d’ardeur et continuer à avancer.

Le corps en mouvement occupe les pensées. Et quand le corps bouge, la peur perd de son pouvoir d’occuper l’esprit. Ainsi, pour combattre l’anxiété, il faut combattre l’inertie.

Je ne voulais pas que la peur m’arrête ou change mes plans. En fait, je ne voulais même pas la ressentir. C’est pourquoi il fallait que je prenne la route le plus tôt possible.

J’ai conclu avec Trung de partir à 9h le lendemain matin. Il me restait quelques heures pour trouver un manteau et des bottes d’hiver.

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